J’ai toujours rêvé de piloter. Plus jeune, j’ai passé des heures sur des simulateurs informatiques, à me promener dans des décors plus ou moins pixelisés aux commandes des plus beaux avions de combat de la seconde Guerre mondiale : Spitfire, Mustang, Focke-Wulf et tant d’autres. Puis le temps a passé et je n’ai jamais eu l’occasion de le faire en vrai.
Il y a quelques mois, nous sommes allés en famille aux portes-ouvertes de l’aéroclub de Redon. Une journée un peu décevante à cause du mauvais temps qui a plus ou moins cloué les avions au sol, mais pas totalement perdue non plus puisque ma femme en a profité pour se renseigner sur les baptêmes de pilotage proposés par le club. Quelques jours après, pour mon anniversaire, elle m’informait qu’elle m’offrait un de ces baptêmes, aux beaux jours.
Le dimanche 19 mai, par une belle journée de printemps, je me trouvais donc sur la piste de l’aérodrome de Redon / Bains-sur-Oust, paré à vivre cette expérience tant attendue, avec un ami dont la femme avait suivi l’idée de la mienne.
Une demi-heure de théorie
Tout commence par un briefing dans la salle des pilotes de l’aéro-club : une demi-heure environ pour apprendre les bases du pilotage d’un avion de tourisme. À l’aide d’une maquette, le pilote nous montre l’effet de chaque action sur le manche, puis nous apprend à repérer par rapport à l’horizon si nous sommes en montée ou en descente.
Puis on se dirige vers la piste, et l’avion qui nous emmènera dans les nuages au-dessus de Redon et sa région. Je monte le premier. À partir du moment où la ceinture est attachée, tout s’enchaine très vite. Première checklist, roulage en entrée de piste, test moteur, deuxième checklist, roulage jusqu’au bout de la piste, dernière checklist.
Je suis assis dans un avion qui tremble de tout son corps, les mains sur le volant. Dans cinq secondes, je vais lâcher les freins et lancer l’avion dans les airs. Je l’ai fait des milliers de fois assis devant mon ordinateur, cette fois c’est pour de vrai. Et ça se passe tout aussi facilement : un petit coup au ventre et nous sommes déjà suspendus aux nuages.
Pendant une demi-heure, nous survolons Redon et sa région. Je repère de nombreux endroits où j’ai pris des photos ces dernières années. La Croix des Marins où j’étais la veille pour les 50 ans du Conservatoire du pays de Redon ; Saint-Jean-la-Poterie où je rencontrais un artisan potier il y a quelques semaines ; les bords de la Vilaine que je parcours souvent pour y trouver un nouvel angle sur l’abbatiale de Redon ou sur l’un ou l’autre de ses ponts ; l’île aux pies, incontournable ; les maisons d’amis à Bains-sur-Oust ou Redon ; la mienne à Avessac. Les mains sur le manche, je glisse entre les nuages et les averses, au-dessus des villages et des champs. Je me sens bien, dans mon élément, malgré les rafales qui secouent l’avion… et l’estomac.
Un virage sur l’aile au-dessus de Redon
Le pilote de l’aéroclub, à ma droite, gère le moteur et frôle parfois le volant pour rattraper une erreur de ma part. Je lui demande jusqu’à quel point on peut pencher l’avion sur une aile pour virer : « Soixante degrés environ.
– Et là, on est à combien ?
– Oh, dix degrés, pas plus.
– Ah oui, quand même. »
Et avec un sourire : « Vous voulez essayer ? »
Pardi, je suis là pour ça ! Il prend les commandes et enchaine les virages serrés. D’abord dix degrés, puis 30, puis 45. Repasse à l’horizontal : « On tente les soixante ? » Je ne me dégonfle pas et confirme, en commençant à retenir mon souffle. L’estomac tombe dans les talons : à 60 degrés, on se prend 2G dans la figure, c’est-à-dire qu’on pèse deux fois son poids. Drôle de sensation.
Retour sur le plancher des vaches
L’heure tourne, il est temps de revenir à terre. Phase d’approche autour de l’aérodrome. Je laisse les commandes sur l’avant-dernier virage. Dans l’axe de la piste, on perd rapidement en altitude et vitesse. Sensation de s’enfoncer dans un sol qui se déroberait, puis les roues entrent en contact avec le goudron. Nous sommes posés.
Nous retournons au parking devant le hangar. Le moteur s’éteint. Le pilote se tourne vers moi : « Alors, bilan ? » Eh bien le bilan est rapide : si on pouvait redécoller tout de suite pour voler pendant quelques heures, ça serait bien. Hélas, il parait que ce n’est pas ça qui est prévu. À contrecœur, je descends de l’avion, que je salue d’une tape amicale sur l’aile. Il faut laisser la place à mon camarade.
Alors, pour me consoler de ne plus être pendu là-haut, je prends mon appareil photo et regarde, à travers le viseur, mon camarade prendre ma place, puis prendre l’air à son tour.
Mais une chose est sure : j’y reviendrai. Et le plus tôt sera le mieux !
Retrouvez toutes les photos de ce baptême de pilotage sur ma page Facebook.
La moitié des photos de cet article sont prises par ma femme : moi j’étais occupé ailleurs 😀